26.2.09

Sur la route de DJA LOUZ (interview)

Un dimanche froid et pluvieux, DJA LOUZ nous donne rendez-vous dans un troqué du 20° pour discuter et nous montrer quelques uns de ses travaux en cours.

Une heure plus tard et le bonhomme est déjà un pote! Sans langue de bois, il nous raconte son parcours dans le graffiti et se livre de manière très touchante sur ses manques, ses doutes et ses envies.


DJA LOUZ aka JALOOZ

Autoportrait (enfin je crois)


NDLR : au moment de cette interview, DJA LOUZ signait JALOOZ, ce qui n'est plus le cas depuis.

Depuis quand graff-tu ?
Depuis quatre ans et demi, bientôt cinq ans. J’ai fait une école de dessin après le collège et, le jour où j’ai eu mon diplôme, je suis allé fêter ça en achetant des bombes avec un pote qui gribouillait aussi. C’était le jour de Fête de la Musique et j'ai posé pour la première fois comme ça. Mais ça faisait des années que j’y pensais et que j’en avais envie…

Sur quels murs as-tu posé ta première pièce ?
À l'Ermitage, dans le XXe de Paris. C'était il y a longtemps, avec DRAW, le mec qui m’a lancé dans le graffiti… À l'époque, les 7HO étaient tout le temps à l’Ermitage ou sur un petit terrain à Avron qui maintenant est grillé. Pour ma première pose, j'ai commencé patchwork, avec des gros panels de couleur. J’avais rempli les trois pans de murs de la pièce principale de l’Ermitage. Bref, j'ai débuté comme ça. J'ai kiffé. Petit à petit, j'ai essayé de rassembler un peu le dessin avec ça.

Comment définirais-tu ton style aujourd’hui ?
Mon style s'éloigne le plus possible du lettrage. Si j'en fais un, il faut vraiment qu'il soit peu lisible, suggéré, en 3D abstraite où je vais jouer avec les volumes, les couleurs, les formes… Mais j’aime surtout faire des persos parce que c’est du dessin et que je me lâche plus à la bombe comme ça.

Ses lettrages



Ses persos



Quelles sont tes influences ? D’où viennent tes personnages fétiches ?
Je n'ai pas une grande connaissance en histoire de l’Art, des grandes œuvres classiques et tout ça… Je peux quand même citer Enki Bilal qui a eu pas mal d'influences sur moi. Le film Sin City en noir et blanc, juste avec les incrustations de rouge hémoglobine, ça aussi j'ai adoré.

Dans mes persos, j'aime bien le côté provocation. Je dessine surtout des rats parce qu'on est tous un peu rat. En tout cas, c'est comme ça que je me représente. Je suis un picoleur, un bédaveur… J'ai fait pas mal de conneries, donc je ne vais pas me représenter comme un ange ! J’ai peint aussi pas mal de Sarko-diable. C'était une forme de revendication au moment des élections présidentielles. J’en avais plein le cul, et la rue est presque le seul moyen de s'exprimer de nos jours. Le Sarko-diable que j’avais posé à l’Ermitage était d’ailleurs resté longtemps, on était même repassé dessus avec SKAZ, SIKO, SAMBR, et ESKAP.

Ses rats fétiches


Le Sarko-diable de l'Ermitage


Jalooz, d'où ça vient ?
Je posais ALONE au début. Je venais de quitter Paris pour m’installer dans le sud à Aix-en Provence et là-bas, pendant deux ans, j’ai posé ALONE sans que ça pose de problème. Juste des gars me disaient avoir vu mes pièces dans des endroits où je n’avais jamais été ! Bref, ce blaze était déjà pris, repris et rerepris en France et dans le monde entier.

En rentrant sur Paris, j’ai partagé le pseudo d’un très bon pote qui fait du son, JALOOZ. Lui l’utilise pour la musique et moi je m’en sers depuis deux ans au niveau du graffiti.
J’aime bien ce blaze parce qu’il est provoc. C’est à la fois la loose mais c'est aussi pour toutes les jalouses. Surtout dans le graffiti où c'est un milieu de langues de pute, où tout le monde se casse du sucre sur le dos... Alors JALOOZ, je trouvais que ça cadrait bien le truc.

Fresque


JALOOZ à Kosmopolite 2008



Quels rapports entretiens-tu avec le milieu du graff ?
Sur Paris, t’as dix nouveaux gars par jour qui se disent taggeurs parce qu'ils ont fait des bites sur un mur ou toyé un terrain. Il y aura toujours ça mais y'a des trucs qui s'apprennent dans le graffiti ! Ca commence par le respect de ce que t'as en dessous. Je n’arrive pas à comprendre le gars qui pose un flop sur une 3D ou un tag en plein milieu d’une fresque…

Sur un terrain, on ne pose pas pour que ça reste des années. On sait que ça va sauter. Mais si tu me repasses, fais le complètement ! Fait pas un truc pas fini où y'a la moitié de mon graff qui ressort. Quand je vois ça, je suis dégouté, mais je ne vais pas chercher l'embrouille, je vais juste faire mon truc ailleurs. De toute façon, aujourd’hui, c'est tellement éphémère que, du moment où t’as pris la photo, c'est presque fini. T'es content s'il reste une semaine et pis voilà…

Pour quels crew tu poses ?
Mon collectif, c’est ANARTCHIK. C'est une bande de potes qui délire. On kif tous le graffiti, on s’entend bien, même si on n’arrive pas encore à faire des fresques travaillées ensemble. C'est des têtes de mule mes potes. Tu leur proposes de faire un lettrage haut qui finit en coin avec un peu de formes pour que je vienne y poser un perso sympa au dessus… et paf ! Ils te font du bourrin et posent un gros pavé. Ils s'en battent les couilles et ils se régalent comme des mômes qui font de la bombe pour la première fois. C'est ça qui est bon aussi !

C’est pareil avec mon crew du sud. Je suis le seul à faire de la fresque et eux sont surtout tagueurs. Pour l’instant, je n’ai pas réussi à trouver des gens avec qui je me ferais plaisir et avec qui ça collerait en même temps niveau graffiti.

Tu préfères travailler seul ?
J'ai sans doute un problème à revendiquer un truc avec plein de gens, mais je suis franchement jaloux des mecs qui se retrouvent tous les week-end pour aller peindre à dix. Mais j’ai surtout une vie où je passe des soirées avec d’autres potes.

Session de nuit à Barcelone



Niveau graffiti, je connais du monde mais je ne les vois pas souvent. Les mecs du 7HO, les C3P, les IMF, je les connais. On s’entend bien et je kif ce qu’ils font. Avec des 3D de malade, des persos, des mises en scène, des machins… Tout est calculé. Ils se font des thèmes et, au final, c'est des trucs monstrueux. Ils ont des styles qui s’associent bien et ils se sont trouvés. Je pense que je pourrais peindre avec eux sans que ça fasse tâche. Mais je me vois pas les appeler et faire des courbettes pour taper l’incruste sur leur terrain en mode ils se connaissent tous.

Comment tu choisis tes spots ?
Au début, avec mon crew du sud, on descendait à Marseille et on défonçait tous les stores de tags et de flops. Mais c’est pas mon délire. Je préfère poser des trucs plus soignés dans un endroit où c'est vu et pas trop grillé. Je graff surtout dans les terrains, une 3D ou un visage. En rue, je fonctionne seul. C’est plus discret. Ca me permet de peindre dans des endroits où il y a du passage et que je connais, souvent dans mon quartier. J’ai moins de risque de me faire péter comme ça. Le but, c'est de faire un truc fini et de rentrer chez soi.




Ce qui est agréable dans la rue, c’est que le graff est vu et qu’il reste plus longtemps que sur un terrain, même si au bout d'un moment il est repeint par la ville. On peut aussi y faire des trucs sympa qui partent du mur et qui finissent sur les trottoirs et j’aime bien jouer avec ça. Il y a quelques mois, j'en ai fait deux ou trois sur le trottoir dans mon quartier et on voit toujours le fantôme des pièces. J’ai pété la station Guy Moquet comme ça, où le graff partait des affiches de pub pour descendre jusqu’au quai du métro.





J’ai peins des trucs loufoques parfois, comme une fois sur une machine de chantier où j'ai posé une petite 3D, genre un petit tuning sur la machine. Manque de pot, je me suis fait attraper en prenant des photos une fois la pièce finie. J'ai été trop gourmand. J'ai voulu prendre 100 photos au lieu de 20 et, à la 90°, les flics sont passés, m'ont vu dans le chantier, et comme j'avais une bombe sur moi, je me suis fait péter…



T’es au beau fixe avec la police ?
J'ai déjà eu un rappel à la loi et depuis je me suis fait attrapé deux fois. Donc j'attends ... La première fois que je me suis fait péter, c'était à Marseille avec trois potes. C'est con parce qu'on avait juste posé deux tags chacun alors qu'on avait passé des nuits entières à tout ravager sans les croiser. Ils ont tout fait, ADN, empreintes digitales, photo... J'avais un pochoir sur moi, il l'ont pris et l'ont mis sur papier. Ils m'ont fait un petit dossier et m'ont rappelé 3 mois après en me mettant un rappel à la loi. Donc c'est rien... Mais quand tu prends plusieurs rappels à la loi, tu prends du pénal après, et je me suis fait attraper deux fois depuis… Une fois sur la machine de chantier et je pense qu'ils ont copié la carte mémoire de mon appareil photo ce jour là. Il y avait suffisamment de trucs pour repérer mon style. Après, ils attendent et ils accumulent. Et une fois qu'ils ont un bon paquet sur toi… Donc pour l'instant, je sais juste que j'attends quelque chose…



La dernière fois que je me suis fait prendre, c'était il y a un an et demi et le dossier partait devant le procureur. Depuis, le temps qu'il traite l'affaire... Ou peut être qu’ils préfèrent attendre et accumuler les pièces.
Ca peut prendre des années dans le graffiti. Un jour, un commissariat d'une ville de Normandie a appelé un pote pour qu’il se présente le lendemain là-bas. Il fait Paris-Normandie et quand il arrive, on lui explique qu’il y a ses empreintes sur une bombe de peinture qu’on a retrouvé à côté d'un train il y a deux ans ! Mais mon pote n’avait jamais été dans cette ville ! C’est une bombe qu’il a du toucher dans un magasin ou laisser sur un terrain et ça peut faire le tour de France après. Maintenant, les flics sont des experts, ils contrôlent tout. Le secret, c'est de ne jamais laisser de bombes.

Aujourd’hui, sur quel projet es-tu ?
Je commence un projet de BD, les petites histoires du rat Téléon. Les rats, ça fait quelques années que j'en dessine et je me suis trouvé mon modèle type, avec ses bons chicos, son gros bide, son joint, etc. Il est comme toi et moi, il vit la crise et ne gagne pas une tune en travaillant. Alors il fait des magouilles. Chaque petite histoire raconte en quelques sketches une magouille du rat Téléon et s’amuse à dénoncer certains traits de la société. Dans la première histoire, Téléon se fait passer pour une bonne sœur et chipe de l’argent. Mais comme il lui arrive toujours un truc qui l’empêche de finir sa journée pénard, il va rencontrer des rats-cailles et rentre chez lui avec un cocard pendant que sa femme lui dit « Mais de toute façon, tu seras toujours qu’un rat Téléon ». C’est à chaque fois une petite histoire comme ça.

Niveau dessin, je fais des mises en scène simple. Mon objectif dans la BD n'est pas de faire un truc super léché, genre décor de ouf. Pour moi, les décors sont secondaires, je fais des mises en situation et j'esquisse. J'essaye de passer du dessin à quelque chose ou petit à petit il n’y a plus rien dans le fond, J'aime bien ce coté où les choses s'effacent.

Ses canevas




Avec quoi dessines-tu ?
Au début, je fais tout au stylo bille. Pas de crayon, pas de droit à l'erreur. Mais faire ça proprement petite couche par petite couche est très long. Je continue ensuite au poska et j'étale avec mes doigts. J’utilise beaucoup le poska, pour les casquettes et les fringues que je customise, pour le bodypainting aussi.




Pour moi, le corps d’une femme est le plus beau des supports. Ses courbes, sa matière, la manière dont les lumières se reflètent dessus… La peinture ressort bien et peu se déformer en suivant les différents mouvements, et donc transformer les images.



La customisation de fringues, c’est un business qui marche ?
Je fais des casquettes et un peu des t-shirt. Mais c'est au coup par coup, quand un pote me passe une commande. Je n’en fais pas assez pour avoir des retombées. Et comme je ne fais pas de pub et que je ne démarche pas les magasins avec les casquettes sous le bras… J'y pense parfois mais j’ai la flemme. J'en vois qui vont direct faire le tour des magasins pour proposer leurs fringues ou faire des stores et ça marche ! Moi, il me manque ce truc quelque part. Je gagne ma vie autrement. J'ai un revenu tous les mois et quand je peux arrondir mes fins de mois avec, c’est déjà bien pour l’instant.

Plus que gagner ma vie avec le dessin ou le graffiti, j'ai surtout envie que ça fasse parti de ma vie. Le but, c'est d’avoir des projets, de pouvoir se dire « j’ai envie de faire une bd et même s’il n’y a que dix personnes qui la lisent et qui aiment, ben vas-y ».

Ton mur idéal ?
Bien que se ne soit pas le plus ouf, mon spot favori est sans hésitation le théâtre de l’Ermitage, le lieu de mes débuts.

Dédicace ?
Ma mère.
HW (la famille, le crew, Marseille...), LK tous mes potes du sud : ETON, BURG, BLAZ, OZAS…
2AC=ANARTCHIK (le crew, Paris), HAKIC, PESKA, SUB…
Les potos : CAVEMAN, NAE, DRAW, SAMBR, PROVOK, SKAZ, SIFILIS, NORS, AFFAIRE…
Les bons : DARK ELIXIR, TEFU, 6PACK… THIAS et PHOTOGRAFF92
Dédicace aussi et surtout à toi lecteur, amateur de peinture qui coule !! Et à tous ceux qui font vivre l’art de rue...
Enfin à toutes les jalooz de France sans qui mon blaze n’aurait plus de valeur.

PEACE !


Merci à JALOOZ d'avoir participé à cet entretien
Propos recueillis par Thias
Pix by JALOOZ et Thias
Le Facebook et le Flick de JALOOZ

25.2.09

LF la famiiiiiille!

LF


Quelle que soit la façon de l'écrire...




... c'est La Firm



De rencontres en rencontres, le PhotoGraff Collectif continue son crapahutage pour en découvrir toujours un peu plus sur les scènes de graffeurs d'ici et d'ailleurs.
Après l'interview illustrée de BEPLUS publiée il y a une quinzaine de jours sur ce blog, nous avions très envie de présenter ses compères, la LF family, et leur univers insolite et rieur.
La Firm est un crew international (2 membres argentins glanés au gré des voyages!) qui défriche plus particulièrement l'ouest francilien à la recherche de lieux perdus, oubliés, auxquels ils redonnent vie par leurs peintures. L'humeur joviale d'une bande de pote qui s'amuse transpire les murs après leur passage...

Session commune de SWAR, ANIS, SOEZ, SNIL, SNEZ et BEPLUS


Nous n'avons pas rencontré l'ensemble du crew et nous ne pourrons présenter ici que certains membres de l'équipe, ceux dont nous avons le plus souvent croisé la trace : ANIS, BEPLUS, DENYSE, RAYOZ, SNIL, SNEZ, SOEZ, SOKO et SWAR. Nous nous excusons auprès de KÉÖX, SEIK, SPOALE, CORONA EL ODIO et KOAM (les autrtes de la LF) dont nous n'avons pas de clichés à présenter.
La fine équipe pose principalement des lettrages, chacun dans un style différent et complémentaire, leur fresques communes s'apparentant plus à des bandes. Du trait franc de SWAR aux courbes de SNIL en passant par les persos fantasques de SNEZ, petit voyage dans la galaxie LF.

ANIS





BEPLUS (lire son interview)




DENYSE (qui se décline en OSMOZ sur la seconde)



RAYOZ (presque du crew me dit BE+)



SNIL



SNEZ




SNEZ avec SOEZ


SOEZ





SOEZ, SNEZ et SWAR


SOKO (un spécial BE+ pour le birtday)



SWAR







BEPLUS et SNEZ pour l'anniv de SWAR


Les deux mêmes avec BEPLUS au perso (rare!)


Quand LF fait le mur...

Billet by Thias, Pix by Tat et Thias
Fotolog de La Firm - Flickr de ANIS
Flickr et Fotolog de BEPLUS
Flickr de DENYSE, Fotolog de SOEZ
Flickr et Fotolog de SNEZ
Fotolog de SWAR

Mise à jour post-publication
A défaut d'avoir vu ses prods, SPOALE du LF nous a envoyé quelques clichés de ce qu'il pose. Histoire d'être un peu plus complet sur la famille, les voici (merci SPOALE).
Le Fotolog de SPOALE




SPOALE et SNIL